Guy Rossi vient, à 70 ans, de terminer son dernier ultratriathlon comme il avait bouclé le premier, trente-deux ans plus tôt, avec le même sourire modeste signifiant : « Je me suis fait plaisir, que du bonheur. »
Pendant plus de trois décennies, il a nagé, pédalé, couru, au gré des « ultras », au rythme d’une « ballade des gens heureux. » Avec la même envie, la même passion.
Si tout a débuté à Colmar, en 1987, à l’occasion des 24 Heures de triathlon (huit heures de natation, huit heures de vélo, huit heures de course à pied) qu’il a bouclées en solitaire, l’appel de l’eau, de l’air et de la terre –les trois symboles du triathlon- Guy l’a entendu tout petit. Né en 1948 à Marseille, à quelques foulées de la plage des Catalans, il a forgé son endurance sur un terrain de volley-ball. Au point de séduire les sélectionneurs des équipes de France universitaire et militaire. Cette flamme du sport qu’il porte fièrement le long du Vieux-Port vers les Jeux Olympiques de Grenoble de 1968 ne s’éteindra jamais.
Professeur de sport, Guy Rossi migre vers le nord-est et s’établit à Colmar où il commence à se faire une réputation de « joueur qui ne lâche rien » sur les courts de tennis. Jusqu’au jour où une publicité pour le triathlon le fait plonger dans l’univers de ce sport d’endurance.
Aux 24 Heures en solitaire vont succéder le Défi mondial de l’endurance, en Isère, un triple triathlon couronné d’un premier podium international. Puis un quintuple, en solo, à Colmar encore, ville natale d’Auguste Bartholdi, le sculpteur de la Statue de la Liberté, comme un symbole. S’ensuit la voie étroite et escarpée vers l’Everest de l’endurance : un premier décatriathlon au Méxique. Le sommet est atteint. Guy Rossi améliorera ses temps au décatriathlon, d’autres le dépasseront aussi, mais il reste à jamais l’un des premiers à avoir vaincu des distances que beaucoup jugent folles, insensées. Parce que s’ils voient le sportif en effort, en fatigue, ils ne connaissent pas l’homme en préparation.
Chez Guy, tout est noté, calculé, analysé. Entre deux séances d’entraînement, il compare, programme, prévoit. La préparation, la diététique, la récupération s’inscrivent dans des protocoles très stricts, entre une vie familiale préservée, et une vie professionnelle assumée.
De l’Autriche au Mexique, des Etats-Unis à l’Allemagne, durant plus de trente ans, le sourire modeste de Guy Rossi illumine les compétitions, renforce les performances, force l’admiration de spectateurs et adversaires. Une sportivité et une exemplarité qui font de ce champion d’exception une légende vivante. Et c’est à « La Légende » que l’on demande conseils et plans d’entraînement. A ceux qui le sollicitent, « La Légende » confie avec plaisir sa propre réalité : s’entraîner, persévérer, accepter des sacrifices, s’écouter, et surtout, refuser la souffrance : « Si je souffre, je m’arrête ». Des mots quelquefois mis en pratique, mille fois répétés et qui résonnent aux oreilles de tous ceux qui, à son contact, ont (re)découvert le sport, à leur niveau, et qui désormais, en apprécient le plaisir et le bien-être.
Ces personnes, Guy Rossi ne les a pas recensées dans ses carnets. Mais elles sont sûrement des centaines, des milliers peut-être. Moins nombreuses, certes, que les kilomètres parcourus en compétition par La Légende. Mais elles représentent elles aussi une magnifique victoire. L’une des plus belles, sans doute.
Par Serge Aimetti